Les articles se multiplient, en France mais surtout à l’étranger, unanimes quant à l’échec annoncé de Barkhane – car il est inutile de se bercer de périphrases.
Le sommet de Pau n’aura rien apporté, et la conférence de presse n’aura été qu’un déroulé de formules creuses. Ce ne sont pas 220 soldats français de plus ni même les drones Reaper qui vont nous faire gagner la guerre dans cette zone immense où la France n’a jamais été que tolérée par des peuples plus ou moins nomades qui n’avaient pas désarmé même du temps de la colonisation (relire Terre des hommes de Saint-Exupéry). C’est notamment ce que rappelle un essai paru récemment [1] : nous ne sommes au Sahel que les instruments d’un jeu africain sur lequel nous pensons encore peser, cultivant une nostalgie coloniale assez déplacée, finalement fiers de ce mot de Françafrique qui nous donne le rôle du vilain mais nous fait croire encore à un statut de moyenne puissance, et nous essayant comme les Américains au nation building.
Guerre contre le terrorisme, guerre préemptive, bataille de l’avant : voilà qu’on nous ressort la panoplie de Bush-le-petit, comme si les batailles perdues et les guerres ratées depuis 2001 n’avaient servi à rien. Sommet du vocabulaire d’importation, le concept de « Sahelistan », un mot (pour citer Robespierre, dans un tout autre contexte), inventé par des fripons pour faire peur aux imbéciles. Il est censé désigner un gigantesque no-man’s-land, sans ressource immédiatement négociable comme le pétrole, sans eau, sans infrastructure, sans débouché par la mer si ce n’est la Libye, mais dont la constitution serait un danger mortel pour l’Europe, à l’image de l’État islamique en Syrie et en Irak.
Sauf que ces pays présentent à l’inverse des facilités dans tous les domaines ci-dessus rappelés. Et surtout qu’ils n’ont pas constitué un front avancé dans la lutte contre les djihadistes – que la très fine manœuvre de Trump contre la Perse nous force désormais à récupérer – puisque ceux-ci sont nos propres gamins endoctrinés religieusement dans nos mosquées, partis pour d’emblée revenir, la grâce divine ne leur étant pas tombée dessus sur le chemin de Damas mais dans les rues de Seine Saint-Denis comme le rappellent deux autres ouvrages parus ce mois-ci [2].
Les Américains et les Européens l’ont bien compris qui nous laissent nous débrouiller au Sahel, puisque le risque que les Peuls, Dogons ou Touaregs provoquent des troubles en France est le même que celui de voir les Talibans faire des attentats sur les Grands boulevards : à peu près égal à zéro. Et si question religieuse il y a à régler, ce n’est pas au « Sahelistan », c’est à domicile.
Le Cadet
[1] Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Une guerre perdue. La France au Sahel. J.C. Lattès, 2020.
[2] Bernard Rougier (dir.), Les territoires conquis de l’Islamisme, PUF, 2020.
Hugo Micheron, Le jihadisme français : Quartiers, Syrie, prisons, Gallimard, 2020.